Nous avons pu croiser le journal intime d’un journaliste de BFMTV, de I>télé – CNews- et de Franceinfo:. Les propos rapportés ci-dessous correspondent à un tournage sur des faits d’actualité similaires.
BFMTV
9h00 : Conférence de rédaction.
J’ai épluché toutes les bonnes feuilles du Parisien.
Je pars sur le faits divers du jour. Un homme a tiré à l’arme automatique dans le centre d’Angers. Bilan : deux victimes dont une femme rescapée du tsunami de 2004.
10H20 : Je suis dans le train. J’ai appelé le commissariat où se trouve l’inculpé. L’homme est toujours en garde à vue. Sa femme accepte de témoigner. Je dois faire un direct pour le journal de 12 heures. L’information est ma passion.
14H : J’ai enchainé trois directs depuis midi. Une source proche de l’enquête m’affirme que l’arme provient d’une banlieue d’Angers.
Un contact peut m’avoir une entrevue avec des vendeurs d’arme.
Je les rencontre dans une demi-heure.
15H : J’ai ma séquence avec le vendeur de l’arme ! J’ai même eu la chance d’avoir un acheteur qui témoigne de la facilité de se procurer de telles choses.
Je suis heureux.
17H : J’enchaine les directs depuis une demi-heures. Je ne compte pas en rester là.
18H : J’ai trouvé l’hôpital où se trouvent les victimes. Je suis entré par la porte de derrière. J’ai attendu que le personnel descende à la cafétaria et je suis entré dans la chambre de la victime pour réaliser une interview exclusive.
C’est de la balle baby.
23H : J’ai réalisé plus de vingt directs depuis ce matin.
Je suis épuisé.
Je rentre dormir.
J’ai un direct demain matin à 5h.
L’info est ma passion.
CNews
9h30 : Je n’arrive pas à mettre la main sur la presse du jour. C’est tout les jours pareils ! La direction ne commande qu’un exemplaire par quotidien histoire de faire des économies, c’est une tannée.
9h50 : J’ai mis la main sur le Parisien. Mais il manque les pages « sport », le cahier central et la Une.
Impossible de lire mon horoscope.
9h55 : J’ai lu mon horoscope sur internet.
Gémeaux : « Amour : des tensions dans votre couple. Travail : Vos patrons apprécieront votre sens de l’équité. Forme : excellente ».
Je file à la cafète demander à Mathieu ce que « équité » veut dire.
11h : C’est une journée assez calme. Malgré tous mes efforts, je n’ai pas réussi à reconstituer l’ensemble du Parisien.
Après tout, je ne suis pas journaliste d’investigation.
Je suis allé au kiosque en acheter un.
J’ai noté mon nom dessus.
On ne sait jamais.
11h05 : Quelqu’un m’a volé mon journal. C’est inadmissible !
J’ai écrit un mail à l’ensemble de la rédaction pour signifier mon mécontentement.
Cela m’ennuie profondément d’acheter un journal. C’est cher et périssable.
Je suis allé dans le métro trouver un Direct Matin.
Malheureusement, il n’y en n’avait plus.
J’ai dû en récupérer un vieux dans une poubelle.
Pour être sur qu’on ne me le vole pas, j’ai inscrit mon nom dessus.
11h06 : J’ai fini mon Direct Matin.
Il faut dire qu’à part des pubs pour des bagnoles électriques, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent.
11h30 : J’ai calé mon déj avec une stagiaire. Elle est très sympa et particulièrement jolie.
Il n’y a rien dans l’actualité.
11h36 : Je suis allé me chercher un café.
A mon retour, on m’avait volé mon direct matin.
11h40 : Personne n’a vu mon journal. Je suis allé reprendre un café.
11h45 : A ma grande surprise, la stagiaire avait un Direct Matin à moitié propre dans son sac. J’ai reconnu la tache de sauce tomate sur la couverture. J’ai attendu qu’elle aille aux toilettes pour voir si mon nom était écrit dessus.
C’était le cas.
J’ai attendu son retour pour lui faire la morale et j’ai annulé mon dej.
11h51 : Je suis allé sur Facebook supprimer mon lien d’amitié avec la stagiaire.
11h55 : La jeune fille est revenue me voir. Elle est courageuse pour une stagiaire. Elle m’a assuré ne pas avoir vu mon nom écrit sur le journal. Elle a rajouté qu’on lui avait volé son Parisien et qu’elle avait trouvé mon Direct Matin dans une poubelle.
Tout cela ressemble à un quiproquo.
Je lui pardonne.
Je lui propose de déjeuner.
Nota bene : penser à la rajouter en amie sur Facebook.
12h05 : Au moment où j’enfilais mon manteau pour aller manger, mon rédacteur en chef a jailli dans la rédaction en me hurlant dessus. Il faut que je parte immédiatement à Angers sur un fait divers sordide raconté dans le Parisien. Je note au passage qu’il avait le cahier central en sa possession ainsi que la Une.
12h06 : J’ai reporté mon déjeuner.
13h : Je monte dans le train.
J’ai acheté le Parisien au Relay.
J’ai pris la facture pour me faire rembourser.
15h : Je fais mon premier direct depuis le commissariat.
J’aurai du déjeuner dans le train.
J’ai faim.
17h : J’ai enchainé dix directs en deux heures. Mon red chef a vu que BFM avait un vendeur d’arme. Je dois en trouver un à mon tour.
17h33 : Je poke la stagiaire sur Facebook.
18h : Je n’ai pas trouvé de vendeur d’arme clandestin. A la place, je suis allé dans une armurerie demander au commerçant qu’elle était la spécificité de ce pistolet automatique.
18h25 : Mon red chef veut que je rentre dans l’hôpital faire une interviewe d’une victime. J’ai demandé une autorisation à l’établissement qui me l’a refusé.
J’y suis donc allé moi-même, mais des colosses m’en ont interdit l’accès.
Soi-disant que BFM a enflé tout le monde en entrant sans autorisation.
19h : Mon caméraman n’a plus de batterie dans sa caméra.
Je demande à BFM si ils peuvent nous prêter un chargeur.
23h: Je rentre sur Paris.
J’appelle la stagiaire.
Elle ne me répond pas.
Franceinfo:
8h30 : La conférence de rédaction est un bon moment pour évaluer le taux d’engagement de chaque participant. Si je veux creuser mon trou, je dois absolument faire valider mon idée de reportage sur ces anciens chômeurs de longue durée devenus pêcheurs de sardine en haute mer
9h : Le rédacteur en chef m’a copieusement envoyé paître en. Il veut que je m’occupe d’un fait divers sur Angers (mais pourquoi ne pas envoyer une équipe locale??) tout cela parce qu’un homme aurait maladroitement utilisé une arme à feu dans le centre ville et abattu deux femmes. (Nota bene : appeler le ministère pour vérifier ces infos).
9h20 : J’ai un train à 10h, mais mon cadreur n’est pas arrivé. On m’a donc affublé d’un stagiaire à la caméra. Un syndicaliste est arrivé au moment ou je me préparais à décoller pour me dire que je n’avais pas le droit de lui faire porter tout le matériel (à savoir un pied de caméra+caméra+équipement son). Quand je lui ai dit qu’il n’était pas certain que nous soyons rentré pour le soir même, il est parti en maugréant dans le bureau du rédacteur en chef.
9h45 : Je suis toujours à la rédaction. Il se trouve que mon stagiaire n’a rien le droit de faire. La CGT interdit que je lui impose des horaires à rallonge ainsi que de soulever un poids supérieur à 10 kilos sur plus de 20 mètres. J’ai donc proposé de porter moi-même le matériel. Malheureusement un syndicaliste CFDT est venu m’expliquer que je n’avais pas le droit non plus de porter autant de matos.
10h : J’ai raté mon train. Les syndicalistes discutent avec la direction de mon cas. Le matériel est posé dans l’entrée de la chaine sous la surveillance d’un vigile. Lui non plus n’a pas le droit de soulever quoique ce soit.
10H20 : Ils se sont mis d’accord ! En réalité, il ne s’agissait que d’une question d’arithmétique. Pour porter ces 25 kilos, il suffisait simplement de multiplier le nombre de personnes. Ainsi je pars avec deux stagiaires et un preneur de son.
10h30 : Nous partons à six sur le lieu du tournage (le cadreur est finalement arrivé mais les délégués syndicaux tiennent absolument à ce que ce les stagiaires viennent avec nous sous ma responsabilité).
12h30 : Nous voici à Angers ! J’ai pu passer des coups de fil pendant le trajet. Malheureusement, le preneur de son s’est tordu la cheville en descendant du train et refuse de nous donner son micro HF. Nous n’avons que des images.
13h : Mon rédacteur en chef me demande de faire des interviewes. Je l’aurai fait avec plaisir si les délégués syndicales n’avaient pas menacé de grève l’ensemble de la rédaction si nous ne respections pas la « pause déjeuner » pour les stagiaires. Nous avons du les emmener au Macdo. Ils ont pris des Happy Meal. Tout le monde est content.
14 h : Reprise du boulot ! J’ai appelé le ministère qui a autorisé leur porte-parole à m’accorder une interview pour me raconter les faits. J’ai balancé la sauce. Mon preneur de son a accepté de travailler car il ne souffrait plus.
15h : Je sors du commissariat. Je croise le journaliste de Itélé que je snobe.
17h30 : Le journaliste de Itélé est super sympa ! Mais pendant qu’on discutait, deux stagiaires ont disparu dans la nature. J’ai envoyé le troisième les chercher. Je les attends tous les trois depuis 16h. J’ai peur d’avoir les syndicats sur le dos.
17h33 : Toujours pas de nouvelles des stagiaires.
17h40 : Toujours pas de nouvelles des stagiaires. Je suis inquiet.
17h45 : Mais putain ! Ils sont où ces trois connards !!!
17h46 : Les syndicats m’appellent.
18h30 : Je raccroche avec la CGT. Ils sont furieux ! Ils menacent de déposer un préavis de grève si je ne les ai pas retrouvé à 19h. Mon rédacteur en chef veut que je trouve des témoins mais je ne peux pas être au four et au moulin.
18h55 : Les stagiaires sont revenus complètement bourrés avec des notes de frais. Ils sont allés dans un bar remplis d’étudiantes pour « discuter ». Y en avait un qui n’arrêtait pas de glousser. Je suis certain qu’il a du faire des bêtises. J’appelle les syndicats.
19h : La CGT m’assure qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour le préavis de grève. Le délégué syndical me « taquinait ». Tu parles d’un con.
20h : J’ai trouvé une voisine qui a accepté de me raconter toute l’affaire. J’ai demandé au ministère de l’Intérieur de valider ses propos histoire de recouper mes informations. Tout est vrai. Mon rédacteur en chef est content !
21h : Nous allions prendre le train mais FO m’a appelé pour m’imposer le fait de dormir sur place. Les horaires seraient « trop long » pour les stagiaires. Et ils doivent arrêter de porter tout le matériel. C’est le cadreur qui s’est chargé d’acheminer le pied de caméra, la caméra et le matos son (le preneur de son a du retourner précipitamment à Paris car il avait un rendez-vous médical). J’ai l’impression qu’il me fait la gueule. Nous allons dormir dans un hôtel. Je dois avancer les frais pour tout le monde.
22h : J’ai demandé aux stagiaires de ne pas sortir ce soir de peur d’avoir les syndicats au cul. Mais j’ai cru les apercevoir avec des étudiantes par ma fenêtre. J’ai du mal à m’endormir.
8h : on rentre à paris. J’ai du payer pour tout le monde: 1438 euros. Je serai remboursé dans deux mois.