La réaffectation est un rite maléfique. C’était, en effet, avec une jubilation mauvaise qu’un service refilait à un autre, un journaliste dont on savait pertinemment qu’il n’était bon à rien. Cependant, pour faire durer la plaisanterie, les ratés en question n’étaient jamais renvoyés, ils étaient réaffectés.
À une certaine époque, il devait bien y avoir plusieurs centaines de ces crétins, tous en état de transit permanent, passant le plus clair de leur vie dans des avions. Pour faire suivre leur courrier, ils en étaient réduits à donner le numéro d’immatriculation de divers véhicules. Ils furent des centaines à passer la crise immobilière de 2008 en camion, il y en eut même sept qu’on inhuma à bord. Selon une légende, le dernier de ces minus ne fut découvert qu’en 2016, installé sur le hayon arrière d’un camion de munition afghan en talibanie. Quand on le repéra, il ne portait rien d’autre qu’un tricot de corps et une chaussette.
Huit ans plus tôt, sa direction l’avait muté en Afrique noire. « J’aime voyager léger », avait expliqué l’employé aux douaniers.