Un oncle ramène son neveu de 8 ans chez sa mère en moto. Ils se trouvent dans un parking.
Moi : Mets ton casque bonhomme.
Neveu : Pourquoi?
Moi : Parce que.
Neveu : Pourquoi?
Moi : Parce que je tiens à toi.
Neveu : Pourquoi?
Moi : Parce que ma soeur a eu du mal à t’avoir et que depuis que tu es là nos rapports se sont améliorés.
Neveu : Pourquoi?
Moi : Parce que j’étais le premier d’une fratrie et que l’arrivée de ta mère m’a forcé à partager.
Neveu : Pourquoi?
Moi : L’enfant unique est souvent un enfant divin, au centre de toutes les attentions et surprotégé. Cela lui donne un sentiment de toute-puissance. Les années 70 se basaient sur des principes moraux pour justifier cela.
Neveu : Pourquoi?
Moi : La guerre avait eu lieu vingt cinq ans plus tôt. Il fallait repeupler la France. Les politiques se basaient sur l’émotion nationale et des scientifiques à la morale douteuse pour influencer l’opinion publique et faire croire qu’un enfant unique était égoïste, asocial, fragile et immature.
Neveu : Pourquoi?
Moi : Sans doute le contrôle parental est-il plus élevé quand il n’y a qu’une personne a qui donner tout son amour. C’est vrai que les enfants uniques s’expriment souvent mieux que ceux de son âge et développent considérablement leurs intellects en participant à des conversations d’adultes.
Neveu : Pourquoi?
Moi : L’homme n’est rien d’autre que son projet et si l’humanité existe de pleins faits, il ne fait aucun doute qu’elle est une suite discontinue d’hommes libres qu’isole irrémédiablement leur subjectivité.
Neveu : Pourquoi?
Moi: Il faut distinguer le sujet de la subjectivité. Le sujet est le support dont on parle et auquel on attribue des qualités. La subjectivité n’est pas le sujet dont on parle, mais la pensée même que le sujet fait de lui-même. Il ne faut pas les dissocier, mais les entreprendre dans une continuité de fait imbriquée. Ces deux notions se rencontrent, s’identifient ou s’opposent, se retournent en fonction du cercle dans lequel ils se retrouvent. C’est aussi à partir de là que l’on peut développer l’idée de cercle vicieux. Une sorte de boucle qui n’en finit pas.
Neveu : Pourquoi?
Moi : Le monde est composé d’une infinité de sujets qui regardent les faits de façon subjective. Le sujet de subjectivité le plus international, c’est l’argent. Regarde les gilets jaunes, l’ISF, Emmanuel Macron. Des points de vue différents ! Et je ne te parle même pas du Vénézuéla.
Neveu : Pourquoi?
Moi : La monnaie a tellement été dévaluée qu’elle ne vaut plus rien. Un artisan récupère même des bolivars vénézuéliens trouvés dans la rue à partir desquels il confectionne des sacs à main faits de 800 billets tressés dont la valeur totale ne permettrait d’acheter qu’un demi-kilo de riz.
Neveu : Pourquoi?
Moi : L’inflation au Vénézuéla a grimpé de 148,2% en octobre 2018, portant la hausse des prix sur un an à 833 997%. Selon les prévisions du Fonds monétaire international, l’hyperinflation au Vénézuéla pourrait dépasser 1 350 000% d’ici la fin de l’année. Alors, les commerçants ont décidé de peser la monnaie plutôt que de prendre en compte la valeur monétaire des billets et des pièces.
Neveu : Pourquoi?
Moi : Parce que le monde est complètement fou ! Imagine ! Ma génération a connu la création de l’Internet, du divorce, de la mondialisation, du Sida, du chômage de masse, de la féminisation, de l’oppression morale, du communautarisme, du super-pouvoir des banques etc. Cela nous ramène à l’idée de l’enfant unique. Ceux qui dirigent le monde sont égoïstes, asociaux, fragiles et immatures. Je ne suis pourtant pas certain qu’ils ne naviguent pas en fratrie. Tout cela me terrorise.
Neveu : Pourquoi?
Moi : Il ne faut pas oublier que nous sommes une espèce de passage dans l’histoire. J’ai tenté de faire du fric pour m’assurer une vie rangée en attendant l’apocalypse, mais ma détention m’a empêché de réaliser mon rêve ultime : devenir acteur de cinéma.
Neveu : Pourquoi?
Moi : J’avais 17 ans quand on m’a incarcéré pour de mauvaises raisons.
Neveu : Pourquoi?
Moi : On m’avait inculpé d’homicide involontaire.
Neveu : Pourquoi?
Moi : Je sortais d’un cours de philosophie où le professeur s’intéressait à l’opposition frontale entre Liebniz et Spinoza. Il nous argumentait que l’univers est pétri de cohérence où le mal perd toute positivité. Or Spinoza explique que « les hommes sont plutôt conduits par le désir aveugle que par la raison ». Le désir et la cohérence sont deux principes en totale opposition. Je n’étais pas d’accord avec la version tronquée de Liebniz. Le professeur ne l’a pas accepté. Alors, j’ai mis le feu à l’école. J’ai fini en prison.
Neveu : Pourquoi?
Moi : Quand je suis en colère, j’aime faire fondre des choses, notamment le plastique. J’aime la grande fumée noire qui s’échappe de ce phénomène de destruction. Il aveugle et s’assume. Pour les jurés, c’était un incendie intentionnel. Dix-huit professeurs ont brûlé vif.
Neveu : Pourquoi?
Moi : Quelqu’un avait cadenassé la porte de la salle des profs.
Neveu : Pourquoi?
Moi : Pour les empêcher de sortir. Il n’y avait pas d’alarme incendie. La sécurité, c’est quelque chose d’important et de précieux. Tu mets ton casque?
Neveu : OK.
Moi : Merci.